Mettre en place une politique handicap solide, c’est d’abord comprendre ses fondations.
L’OETH (Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés) est un outil de structuration, un levier qui relie les exigences légales à la responsabilité sociale et à la performance collective.
Autrement dit : l’OETH pose un cadre clair, mais c’est à chaque organisation d’en faire un projet vivant, incarné, et au service de son environnement de travail.
I. Comprendre l’OETH : définition, origines et cadre juridique
1️⃣ Qu’est-ce que l’OETH ?
L’OETH (Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés) impose à toute entreprise (privée ou publique) d’au moins 20 salarié(e)s d’employer 6 % de personnes en situation de handicap.
C’est une obligation légale, mais aussi un signal fort : celui d’une société qui choisit de valoriser toutes les compétences, quelles que soient les réalités physiques, sensorielles ou psychiques des individus.
Concrètement, une entreprise peut répondre à cette obligation de plusieurs manières :
- en recrutant directement des personnes en situation de handicap ;
- en accueillant des stagiaires, alternant·es ou intérimaires reconnus bénéficiaires de l’OETH ;
- en collaborant avec le secteur adapté et protégé (ESAT, Entreprises Adaptées) ;
- ou, en dernier recours, en versant une contribution financière à l’AGEFIPH (secteur privé) ou au FIPHFP (secteur public).
Les bénéficiaires de cette obligation regroupent notamment :
- les titulaires d’une RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé),
- les titulaires d’une pension d’invalidité ou d’une rente d’accident du travail,
- les personnes détentrices d’une carte mobilité inclusion (CMI),
- ou encore les personnes reconnues handicapées par une MDPH.
Cette diversité de profils rappelle une chose essentielle : le handicap n’est pas un statut figé, mais une réalité multiple et évolutive.
Certaines situations sont visibles, d’autres invisibles mais toutes méritent la même attention et les mêmes conditions d’accès à l’emploi.
2️⃣ Origine et cadre juridique de l’OETH
L’OETH s’inscrit dans une histoire longue, celle du passage progressif d’une logique de charité à une logique de citoyenneté et d’égalité des droits.
- 1987 – La loi du 10 juillet marque un tournant. Pour la première fois, les entreprises de plus de 20 salarié(e)s ont l’obligation d’employer au moins 6 % de travailleurs handicapés. L’objectif : compenser les discriminations structurelles d’accès à l’emploi.
- 2005 – La loi du 11 février renforce cette dynamique. Elle étend la définition du handicap, introduit la notion de participation et citoyenneté, et place la question de l’accessibilité au centre de la vie sociale et professionnelle.
- 2018 – La loi “Avenir professionnel” modernise le dispositif. La DOETH (Déclaration Obligatoire d’Emploi des Travailleurs Handicapés) devient intégrée à la DSN (Déclaration Sociale Nominative), ce qui simplifie le suivi et renforce la transparence.
- Les contributions financières sont désormais collectées directement par l’URSSAF et reversées à l’AGEFIPH ou au FIPHFP, selon le statut de l’entreprise.
👉 Ces évolutions traduisent une même ambition : ancrer durablement l’inclusion au travail dans le fonctionnement économique, et non plus en périphérie.
L’OETH repose aujourd’hui sur un écosystème d’acteurs complémentaires :
- L’AGEFIPH, pour les entreprises privées : accompagnement, financement et conseil ;
- Le FIPHFP, pour les employeurs publics ;
- Les DREETS, qui valident et suivent les accords agréés ;
- Les partenaires spécialisés (Cap emploi, MDPH, associations, etc.), qui facilitent le recrutement, le maintien et l’adaptation des postes.
En pratique, l’OETH fonctionne comme une charpente commune : elle fixe le cadre, mais c’est à chaque entreprise d’y construire sa propre architecture inclusive.
3️⃣ Pourquoi l’OETH est essentielle pour les entreprises
Bien au-delà du respect de la loi, l’OETH agit comme un accélérateur de transformation.
D’abord, parce qu’elle pousse les organisations à regarder leur réalité en face :
- Qui est présent(e) dans l’entreprise ?
- Qui reste en marge ?
- Quels freins persistent à l’embauche ou au maintien dans l’emploi ?
Ensuite, parce qu’elle structure une approche cohérente du management inclusif : formation des équipes, adaptation des postes, communication interne, sensibilisation aux stéréotypes… autant de leviers qui renforcent la qualité du climat social.
Enfin, parce qu’elle crée un effet d’entraînement : une entreprise qui s’engage sur le handicap devient plus attentive à toutes les formes de diversité (âge, origine, parcours, genre, santé).
Cette posture d’ouverture a un impact direct sur :
- la marque employeur,
- la fidélisation des équipes,
- la capacité d’innovation (des profils différents = des points de vue nouveaux),
- et la performance collective.
En d’autres termes, respecter l’OETH n’est pas une fin, mais un point de départ : celui d’un modèle d’entreprise plus juste, plus lucide et plus durable.
II. Comment l’OETH impacte les entreprises françaises
L’OETH oriente les entreprises vers une gestion plus responsable de leurs ressources humaines, mais aussi vers un mode d’organisation plus équitable.
Et pour que cette boussole garde tout son sens, il faut comprendre comment elle s’applique concrètement.
1️⃣ Modalités d’application de l’OETH
L’OETH s’applique à toute entreprise (publique ou privée) comptant au moins 20 salarié(e)s en équivalent temps plein (ETP).
Dès que ce seuil est franchi, l’entreprise entre dans le champ de l’obligation et doit justifier du respect du taux de 6 % de bénéficiaires.
➡️ Pour répondre à l’obligation, plusieurs leviers sont possibles :
- Recruter directement des salarié(e)s en situation de handicap face à l’emploi ;
- Maintenir dans l’emploi des collaborateur(rice)s devenus inaptes suite à un accident ou une maladie ;
- Accueillir des stagiaires, alternant·es ou intérimaires bénéficiaires de l’OETH ;
- Faire appel à la sous-traitance auprès d’un ESAT ou d’une Entreprise Adaptée ;
- Verser une contribution financière, si les autres solutions n’ont pas suffi à atteindre le quota.
💡 À retenir : l’OETH n’impose pas un modèle unique, mais une responsabilité : celle de créer un environnement où chacun·e peut trouver sa place, par le biais le plus adapté à la réalité de l’entreprise.4
2️⃣ Déclaration et contrôle
Depuis 2020, la DOETH (Déclaration Obligatoire d’Emploi des Travailleurs Handicapés) est intégrée à la DSN (Déclaration Sociale Nominative).
Ce changement simplifie les démarches, mais renforce la rigueur du suivi.
Chaque année, les entreprises déclarent leur taux d’emploi effectif, les éventuelles contributions et les actions engagées.
L’URSSAF (ou la MSA, selon le régime) assure désormais la collecte et le reversement des contributions à l’AGEFIPH ou au FIPHFP.
En cas de manquement répété (trois années consécutives sans action corrective), la contribution est majorée.
Mais les conséquences dépassent le plan financier :
- Un manque d’engagement visible sur le handicap peut fragiliser la crédibilité RSE d’une entreprise.
- Certains appels d’offres publics ou privés exigent la preuve d’une politique handicap active.
👉 En d’autres termes, l’OETH n’est plus une formalité à cocher : c’est un critère d’évaluation externe de la maturité sociale de l’entreprise.
3️⃣ Solutions concrètes pour se conformer à l’OETH
Plutôt que de subir l’obligation, mieux vaut la transformer en levier d’action.
Voici les principales pistes à activer pour construire une stratégie OETH efficace et durable :
🔹 1. Créer une Mission Handicap
C’est la pierre angulaire d’une politique handicap structurée.
La Mission Handicap pilote, coordonne et anime les actions : elle sert de lien entre la direction, les RH, les managers, les partenaires sociaux et les salarié(e)s concerné(e)s.
Elle permet aussi d’incarner la démarche et de la rendre lisible et mobilisatrice.
🔹 2. Former et sensibiliser les équipes
La connaissance du sujet est la première condition d’un engagement réel.
Former les RH, les managers et les collaborateurs, c’est donner à chacun(e) les clés pour comprendre, détecter, orienter et agir avec justesse.
🔹 3. Conclure un accord agréé
Certaines entreprises choisissent de conclure un accord agréé de trois ans, reconnu par la DREETS.
Cet accord leur permet de définir un plan d’action sur mesure (recrutement, maintien, accessibilité, sensibilisation) et d’utiliser leur contribution financière pour financer directement leurs initiatives internes.
C’est une manière intelligente de réinvestir dans leur propre politique handicap.
🔹 4. Travailler avec le secteur adapté et protégé
Collaborer avec des ESAT (Établissements et Services d’Aide par le Travail) ou des Entreprises Adaptées permet de diversifier les achats tout en contribuant concrètement à l’emploi des personnes en situation de handicap.
Cette sous-traitance solidaire compte partiellement dans le calcul du taux d’emploi.
🔹 5. S’appuyer sur les dispositifs d’aide
L’AGEFIPH et le FIPHFP proposent des financements pour l’adaptation de postes, la formation, ou encore le maintien dans l’emploi.
Ces aides allègent considérablement le coût des aménagements et facilitent la mise en œuvre d’actions inclusives.
En résumé : se conformer à l’OETH, c’est moins une contrainte qu’une occasion de bâtir une politique RH plus juste, plus humaine et plus performante.
Les entreprises qui s’y engagent pleinement y gagnent sur tous les plans : cohésion interne, attractivité, engagement des équipes et reconnaissance externe.
III. Les avantages et bénéfices de l’OETH pour l’entreprise et la société
S’engager dans une politique OETH, c’est bien plus qu’honorer une obligation.
C’est construire une entreprise plus robuste, où la performance humaine et la performance économique avancent ensemble.
Et, au-delà de l’entreprise, c’est participer à un chantier collectif : celui d’une société où le handicap n’exclut plus, mais enrichit.
1️⃣ Des bénéfices humains et managériaux
Appliquer l’OETH, c’est d’abord changer la culture managériale.
Les organisations qui s’engagent découvrent souvent que l’inclusion n’est pas un coût, mais une compétence : celle d’adapter, d’écouter, de coopérer autrement.
Cette dynamique renforce la confiance au sein des équipes.
Les collaborateurs (et collaboratrices) sentent que leurs singularités sont prises en compte, que leur parole a du poids, et que la bienveillance n’est pas un mot creux, mais un acte quotidien.
👉 Résultat : un climat plus serein, un sentiment d’appartenance plus fort, et une fidélisation accrue.
2️⃣ Des bénéfices économiques et organisationnels
Une entreprise inclusive n’est pas seulement plus humaine, elle est aussi plus performante.
Les études convergent : la diversité des profils et des expériences élargit les perspectives, stimule l’innovation et améliore la prise de décision.
En répondant à l’OETH, les entreprises développent une agilité organisationnelle : elles apprennent à aménager les postes, à ajuster les horaires, à communiquer différemment…
Des compétences qui, au fil du temps, profitent à tous les salarié(e)s et pas uniquement aux personnes concernées par le handicap.
Et sur le plan économique, l’impact est tangible :
- baisse du turnover,
- amélioration du taux de satisfaction interne,
- réduction des coûts liés à l’absentéisme ou aux tensions d’équipe.
De plus, l’entreprise gagne en crédibilité externe.
Les clients, les investisseurs et les partenaires évaluent désormais les engagements sociaux comme des critères de performance à part entière.
Une politique handicap cohérente devient alors un avantage concurrentiel et un marqueur fort de responsabilité.
3️⃣ Des bénéfices sociétaux et collectifs
Enfin, l’OETH a une portée bien plus large que le périmètre de l’entreprise.
Chaque embauche, chaque aménagement, chaque sensibilisation contribue à faire évoluer le regard collectif sur le handicap.
C’est un cercle vertueux :
- l’emploi crée la visibilité,
- la visibilité brise les préjugés,
- et la société progresse vers plus d’équité.
L’entreprise devient ainsi un acteur de transformation sociale.
Elle participe à la construction d’un modèle où le handicap n’est plus perçu comme un frein, mais comme une composante naturelle de la diversité humaine.
👉 Ce n’est pas une posture “RSE” de façade, mais une responsabilité de bâtisseur(euse) : contribuer, à son échelle, à un monde du travail plus juste, plus solidaire et plus durable.
Conclusion sur l’OETH :
L’OETH n’est pas qu’une ligne dans un tableau d’obligations.
C’est une charpente : elle donne forme, stabilité et cohérence à la démarche d’inclusion.
En choisissant de la comprendre, de l’appliquer avec sens et de l’incarner au quotidien, les entreprises ne se contentent pas d’être en règle → elles deviennent des actrices d’un changement durable.
Et dans un contexte où les organisations sont appelées à conjuguer exigence et humanité, c’est probablement l’un des investissements les plus stratégiques qu’elles puissent faire.
